Les démarches européennes sur le projet de loi sur la restauration de la nature continuent. Nous avons résumé les éléments clés impliquant les tourbières dans un numéro précédent de Tourbières Infos ; voici les avancés depuis lors et les points à retenir en fin 2023.
Quelques rappels
Cet automne a vu la fin des échanges appelées ‘Trilogues’ : des négociations entre le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne ayant comme objectif un compromis entre les plusieurs propositions de loi, et un texte final à soumettre.
L’élément clé concernant les tourbières est l’article 9. Dans la proposition du Conseil de l’Union européenne, cet article proposait des objectifs précis sur la restauration des tourbières drainées (mais comprenait des dispositions considérables permettant aux états membres de ne pas les mettre en œuvre sous des certaines conditions), alors que dans la proposition du Parlement européen, l’article 9 a été supprimé (en conséquence de l’argument qu’un tel niveau de restauration des terrains agricoles mettrait en péril la sécurité alimentaire de l’Europe, un argument fortement disputé).
Et qu’ont-ils décidé alors ?
La dernière négociation des Trilogues a eu lieu le 9 novembre 2023 et a produit un accord provisoire, validé par le Comité des représentants permanents le 22 novembre et par la Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire le 28 novembre.
Cet accord provisoire remet le sujet des tourbières drainées sur la table et fixe des objectifs pour leur restauration. D’après l’accord, les pays membres doivent mettre en œuvre des mesures de restauration pour les sols organiques agricoles :
- 30% restaurés dont 1/4 remis en eau en 2030 ;
- 40% restaurés dont 1/3 remis en eau en 2040 ; et
- 50% dont 1/3 remis en eau en 2050.
Ceci dit, le compromis accorde des concessions, notamment :
- la remise en eau (ou réhumidification) des sols tourbeux restera facultatif pour les terrains privés ; c’est-à-dire, les objectifs nationaux ne devraient pas servir comme contrainte pour les exploitants ;
- les états membres les plus affectés par ces objectifs seront accordés plus de flexibilité, et pourront appliquer un moindre pourcentage de sols tourbeux restaurés ;
- et il y aura un mécanisme de « frein à main » (emergency brake) permettant la suspension immédiate des objectifs si c’est jugé qu’ils ont créé des conséquences graves sur la disponibilité de terrain de production agricole à échelle européenne.
On peut constater que d’un côté, les objectifs de restauration sont moins ambitieux que ceux de la proposition initiale de 2022 (en termes des pourcentages de sols tourbeux à restaurer). Et de l’autre côté, atteindre ces objectifs réduits sera assez ambitieux, compte tenu des concessions (notamment le manque d’obligation pour les terrains agricoles privés). Mais le fait d’avoir une loi européenne sur le point d’être approuvée qui prend en compte les enjeux de restauration des tourbières et un fait remarquable, et, pour beaucoup d’acteurs de la gestion de l’environnement, un signe de l’aguille remise dans le bon sens.
Et maintenant ?
Le vote du Parlement sur cet accord provisoire est prévu pour la séance plénière à Strasbourg, entre le 26-29 février 2024. Si le texte actuel est approuvé, il passera au Conseil de l’Union européenne pour approbation. Le Pôle-relais tourbières suivra les démarches et vous tiendra au courant dans sa newsletter ‘Tourbières Infos’.