L’acidité du milieu permet d’opposer les tourbières acides (ou acidiphiles) aux tourbières basiques (ou alcalines), l’échelle des valeurs de pH rencontrées en tourbières s’étendant de pH 3 (acide) à pH 8 (alcalin) avec une frontière biologique se situant autour de pH 5,5. Le niveau trophique, qui fait référence à la teneur du milieu en éléments nutritifs dissous, notamment en azote et phosphore, permet de distinguer les tourbières oligotrophes pauvres en éléments minéraux, des tourbières eutrophes fortement minéralisées, les tourbières intermédiaires étant qualifiées de mésotrophes. D’autres critères sont également utilisés, comme la morphologie des tourbières (plates, bombées...), leur situation géomorphologique (de fond de vallon, de pente, de surcreusement glaciaire...) ou leur végétation dominante (tourbières à sphaignes, à grandes ou à petites laîches, à roseaux...)
Une classification basée sur l’origine et le mode d’alimentation hydrique.
La classification la plus intéressante aujourd’hui tient compte à la fois de l’origine (termes en -"gène") et du mode d’alimentation hydrique (termes en -"trophe") des tourbières. Elle constitue la classification moderne de ces milieux, récemment développée par Julve (1994, 1996, 1997).
Lorsque les conditions d’un bilan hydrique positif sont réunies, associées à une production de matière organique excédentaire, les processus de turbification pourront s’amorcer et donner naissance à différents types de tourbières en fonction des conditions de leur formation.
- Les différents types de tourbières
- Source : Manneville O., Vergne V., Villepoux O., 2e édition 2006 - Le monde des tourbières et des marais. Delachaux et Niestlé. 320p.
Les sources d’alimentation originelles, un critère de classification
Ainsi, les tourbières topogènes résultent de l’accumulation des eaux, provenant de ruissellements ou d’une nappe affleurante, dans une dépression topographique. Les tourbières limnogènes sont issues de l’atterrissement progressif d’une pièce d’eau à partir de radeaux végétaux flottants. Les tourbières soligènes naissent à la faveur d’un écoulement lent et continu le long d’une faible pente (sources, suintements). Les tourbières fluviogènes (ou telmatogènes) proviennent de l’inondation périodique d’une vallée par un cours d’eau ou une nappe alluviale. Les tourbières ombrogènes, enfin, naissent lorsque les précipitations, abondantes, constituent la seule source hydrique responsable de la turbification. Deux autres types de tourbières peuvent être cités, bien que marginaux en France : les tourbières thalassogènes qui naissent au contact entre des eaux douces et des eaux marines (pannes dunaires et tourbières de transgression marine) et les tourbières condensarogènes issues de la condensation atmosphérique, notamment dans certains éboulis rocheux d’altitude (Alpes).
L’alimentation actuelle, un critère complémentaire
Quel que soit leur mode de genèse, les tourbières pourront être de type minérotrophe (ou géotrophe) ou de type ombrotrophe, en fonction de leur mode d’alimentation hydrique. Dans le cas d’une alimentation minérotrophique, les eaux proviennent d’écoulements latéraux et ont été en contact avec le substratum géologique. Au contact du sol, ces eaux se sont généralement enrichies en substances minérales dissoutes, dans des proportions variables dépendant de la nature du substratum. Aussi, les tourbières minérotrophes sont très variées, acides à alcalines, oligotrophes à eutrophes. On les nomme bas-marais, tourbières basses ou tourbières plates ("fens" en anglais) car leur surface est généralement très proche de celle de leur nappe d’alimentation. Les tourbières ombrotrophes, que l’on rencontre sous des climats très pluvieux, ne sont, quant à elles, alimentées que par les eaux météoriques (pluie, neige, brouillard), acides et pauvres en ions minéraux. Elles donnent alors naissance à des tourbières toujours acides et oligotrophes, dominées par les sphaignes et appelées hauts-marais, tourbières hautes ou tourbières bombées ("bogs" en anglais) en raison de la forme de dôme généralement prise par leur surface.
De la théorie à la réalité de terrain !
Entre les différents types de tourbières ainsi définis, tant du point de vue de leur mode de genèse que de celui de leur alimentation, des cas intermédiaires existent. Ainsi, par exemple, une tourbière issue à la fois d’un écoulement d’eau le long d’une pente et de l’accumulation de cette eau dans le sol au bas de la pente sera qualifiée de soli-topogène. D’autre part, il arrive souvent que les deux modes d’alimentation, minérotrophique et ombrotrophique, coexistent sur une même tourbière alors qualifiée de tourbière mixte. Entre les secteurs ombrotrophes et minérotrophes du site se développe alors une tourbière présentant des caractéristiques intermédiaires entre ces deux faciès, notamment du point de vue de ses caractéristiques chimiques (pH, minéralisation...) et, par voie de conséquence de sa végétation, que l’on nomme ainsi tourbière de transition.