Une cause de dégradation des tourbières
Depuis vingt ans, la création de plans d’eau a constitué une cause majeure de destruction des tourbières. Favorisés par une législation mal adaptée - la création de plans d’eau d’une superficie inférieure à trois hectares était soumise à simple déclaration au titre de la loi sur l’eau - ces plans d’eau se sont multipliés depuis une dizaine d’années de manière totalement anarchique et incontrôlée : étangs de pêche ou de chasse, trous à grenouilles, plans d’eau de loisirs, retenues collinaires pour l’irrigation, réservoirs d’eau potable, bassins hydroélectriques... ont ainsi prospéré sur ces milieux, du fait de leur position topographique généralement privilégiée, leur conférant souvent une plus-value non négligeable.
Ce phénomène a touché l’ensemble du territoire et a pris dans certaines régions une ampleur très inquiétante : l’inventaire des tourbières de Haute-Saône et du Territoire de Belfort (Conservatoire de Franche-Comté, 1997) a montré, par exemple, que 61 des 107 sites tourbeux recensés (soit 57 %) ont été affectés par l’implantation d’un plan d’eau artificiel, ce qui fait de cette activité la principale cause de destruction des tourbières de cette région. Ce sont des écosystèmes de grande valeur qui sont ainsi détruits, partiellement ou totalement, par creusement de pièces d’eau aux profils généralement géométriques et aux berges abruptes, ou par ennoiement pur et simple après blocage de leur exutoire.
Pour tenter d’apporter une réponse à ce problème (qui ressort nettement de la mise en cohérence des politiques publiques prévue par le Plan gouvernemental d’action en faveur des zones humides), le Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement a édicté, en 1999, un nouveau décret pour renforcer le contrôle de la création des plans d’eau dans les zones humides et à l’amont des cours d’eau de première catégorie piscicole. Ce décret introduit dans la nomenclature des opérations soumises à autorisation ou à déclaration (sous la rubrique 4.1.0) une nouvelle notion : " la mise en eau de zones humides ou de marais ". Le rapport de présentation du décret précise que des instructions seront adressées aux Préfets pour considérer comme ennoiement " une submersion des terrains d’au moins 30 cm la majeure partie de l’année ". Ainsi dans les zones humides ou marais connectés à des cours d’eau de première catégorie piscicole, la création de plans d’eau est aujourd’hui soumise à déclaration auprès de la MISE (Mission Inter Service de l’Eau) à partir de 1000 m² et à autorisation préfectorale à partir d’un hectare. Pour les plans d’eau de surface inférieure à 100 m², de profondeur supérieure à 2 m et en présence d’un POS/PLU, une autorisation doit être demandée à la mairie au titre des "installations et travaux divers".
Cet abaissement des seuils de déclaration et d’autorisation est un net progrès pour la conservation des zones humides. S’il ne règle pas tous les problèmes (notamment ceux des trous à grenouilles de l’Est de la France, et ceux des plans d’eau " cynégétiques " en marais alcalins...), il devrait contribuer à diminuer la pression sur la majorité des tourbières acides.
- L’écho des tourbières N°20, sur la thématique "Tourbières et plans d’eau"
- Bibliographie thématique "Tourbières et plans d’eau" (2012) disponible ici
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